Le sionisme est une idéologie juive visant à rétablir l’autodétermination, c’est-à-dire le droit dont devrait disposer chaque peuple au choix libre du régime politique de son pays. C’est un mouvement nationaliste mis en place par la communauté juive sur la question de l’autogestion de l’état israélien. Dès son apparition, le sionisme fut massivement contesté et des alternatives ont vu le jour depuis les années 1970. On pense au post-sionisme, qui souhaite donner une dimension plus laïque à l’état hébreu et reprendre des relations diplomatiques avec le peuple palestinien. Ou encore au néo-sionisme, qui revendique de façon radicale l’orientation juive devant être appliquée sur la totalité des terres israéliennes. Pour expliquer en détail ce qu’est le sionisme, nous allons étudier l’histoire du mouvement sioniste, le courant culturel et politique qu’il amène ainsi que les idéaux portés par ce mouvement national.
Histoire du mouvement sioniste
Pour comprendre le terme « sioniste », il faut le décomposer. Sion signifie Jérusalem et qualifie également la terre sainte d’Israël. Le sionisme est donc littéralement le « retour à Sion ». Le mouvement tel qu’on le connaît aujourd’hui est apparu en Europe centrale et en Europe de l’est au XIXe siècle.
Il s’est imposé comme une réaction du peuple juif face aux massacres et au racisme dont il était de plus en plus victime. On le voit également apparaître en Europe occidentale, notamment suite à l’affaire Dreyfus qui défraya la chronique en 1894. En 1897, le premier congrès sioniste, porté par Theodor Herzl à Bâle donnera de la vigueur au mouvement. Le sionisme est étroitement lié avec l’exil et l’attachement du peuple juif au sol israélien.
Dans l’idéal, le sionisme aspire à la renaissance du peuple juif notamment sur le plan religieux et à l’émancipation des peuples minoritaires persécutés. Au vu de la montée de l’antisémitisme en Europe et fortement influencée par le nationalisme ambiant, ce projet religieux se mue peu à peu en doctrine politique. On assiste aux premières organisations sionistes dès 1881 avec les « Amants de Sion » puis à la création de l’organisation sioniste mondiale en 1897, créée par Theodor Herzl. Il existe différents types de sionisme :
- Le sionisme politique
- Le sionisme pratique
- Le sionisme culturel
- Le sionisme synthétique
- Le sionisme travailliste
- Le sionisme révisionniste
- Le sionisme révolutionnaire
- Le sionisme religieux
- Le sionisme chrétien
- Le sionisme territorialiste
Avec la montée de l’antisémitisme européen, notamment au sein de l’Europe de l’Est, les populations opprimées trouvent un intérêt dans le mouvement sioniste. À la suite du premier mouvement sioniste, 22 suivront entre 1897 et 1945. Naîtront également, des institutions telles que l’organisation sioniste mondiale, mais aussi l’anglo-Palestine Bank en 1902, l’agence juive exécutive en 1929 et le congrès juif diplomatique mondial en 1936.
Le mouvement grandissant suscite l’immigration de nombreux juifs en Palestine, juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale, qui se regroupent en un foyer national. Les idées majeures mises en avant par le sionisme sont, non seulement le souhait d’un territoire établi pour la communauté juive, mais également une véritable quête morale et spirituelle. Le mouvement sioniste a, bien entendu, soutenu la création de l’État d’Israël en 1948 et continue de le soutenir aujourd’hui en participant activement à l’accueil et à l’intégration des nouveaux arrivants, immigrants ou réfugiés.
Malgré une démocratisation du mouvement au XIXe siècle, on estime que les bases du sionisme remontent à l’époque de l’Antiquité. Suite à l’exil, les peuples juifs n’ont jamais cessé de vouloir retourner vivre sur les terres israéliennes. Certaines familles ont d’ailleurs choisi d’y rester malgré les persécutions dont elles furent victimes au fil des siècles. Toutefois, les communautés juives ont massivement migré autour de la Méditerranée et plus tard au Moyen-Orient et en Europe Toutefois, la nostalgie des terres israéliennes et plus précisément de Jérusalem est bien présente. Pour preuve, voici un psaume rédigé au VI siècle avant J.C, lors du premier exil (déportation à Babylone) :
« Si je t’oublie jamais, Jérusalem que ma droite me refuse son service ! Que ma langue s’attache à mon palais, si je ne me souviens toujours de toi, si je ne place Jérusalem au sommet de toutes mes joies ! »
Au cours de la Première Guerre judéo-romaine, entre l’an 66 et l’an 73 de notre ère, le temple de Jérusalem fut détruit et une partie de la population juive émet le souhait de se rassembler en terre d’Israël (Eretz Israel). C’est ce que commémore la fête juive de Pessa’h ou le vœu « l’an prochain à Jérusalem » est récité. Depuis l’Antiquité, on assiste à un pèlerinage en Terre sainte suivi par de nombreux groupes juifs. L’eschatologie juive, qui est une pensée sur le devenir du peuple juif énonce la venue d’un messie investi d’une mission précise : ramener les Juifs sur leurs terres.
Le courant culturel et politique du sionisme
Les congrès sionistes rassemblent les juifs internationaux ainsi que des représentants religieux qui souhaitent voir la création d’un état propre. On y adopte une attitude libérale qui vise à écouter chaque opinion malgré que les participants soient issus de différents pays et aient chacun leur sensibilité sur un sujet donné. Lors du tout premier congrès de 1897 est adopté un programme, nommé programme de Bâle qui énonce que « le but du sionisme est la création pour le peuple juif d’un foyer en Palestine garanti en droit public ». Pour parvenir à ce résultat, il est évoqué quatre axes :
- Aider les agriculteurs et les artisans juifs à s’installer en Palestine.
- Créer des organisations locales ou internationales afin de rassembler les différentes communautés juives.
- Aider au renforcement du sentiment national juif.
- Sensibiliser les gouvernants afin d’obtenir les accords nécessaires à l’atteinte des objectifs sionistes.
Theodor Herzl a bien compris la détresse des Juifs persécutés à travers le monde et l’exploite comme une force pour mener à bien son projet. Le point majeur du projet est le retour en terre israélienne comme le déclare Ben Gourion lors du 21e congrès sioniste en 1937 :
« Aucun Juif n’a le droit de renoncer au droit de la Nation juive à la Terre d’Israël. […] Même l’ensemble du peuple juif vivant aujourd’hui n’a pas autorité pour renoncer à aucune partie de la terre. Ce droit appartient à la nation juive en toutes ses générations — droit auquel on ne saurait renoncer en aucune circonstance. »
Cela démontre parfaitement l’attraction des communautés juives envers Israël et aucun autre pays ne pourrait leur être attribué. Herzl se confronta d’ailleurs à un refus massif lorsqu’il proposa aux juifs de s’installer en Ouganda. Depuis ces faits, et malgré qu’ils datent d’il y a plus de 100 ans, Theodor Herzl est toujours fustigé pour avoir émis l’hypothèse de renoncer à Sion.
Le courant sioniste territorialiste proposa également quelques années plus tard à ces derniers, au vu de la gravité de la situation et de la haine montante envers les populations juives, d’accepter d’aller s’installer sur un territoire autre que la terre sainte afin de garantir sa sécurité. Mais malgré l’urgence cette proposition fut également écartée.
Le sionisme politique fait de la recherche d’un droit garanti internationalement, la priorité du mouvement. C’est Chaim Weizmann qui parviendra entre 1917 et 1920 à obtenir des reconnaissances internationales. Pour recréer un état pour les populations juives, il est indispensable d’obtenir l’accord des grandes puissances mondiales, sans quoi l’immigration se solderait par un échec cuisant. Il estime alors, comme Theodor Herzl, qu’il est possible d’arriver à ses fins en usant de diplomatie.
En ce qui concerne la culture, c’est le mouvement du sionisme culturel qui œuvre à la renaissance d’une identité culturelle juive. Tout en soutenant le rapprochement des Juifs avec la terre sainte, Ahad Haam, fondateur du mouvement, souhaite « permettre à l’esprit juif de s’éployer à nouveau (en) une culture hébraïque ressuscitée ». Le sionisme culturel ou spirituel s’oppose souvent au sionisme politique, mais rallie de nombreuses personnes soucieuses de la valorisation de l’histoire et de la vie culturelle juive.
Cela s’imprime dans une sorte de mouvement national destiné à faire ressentir une certaine fierté sur les accomplissements de son peuple. Le mouvement sioniste encourage également le renouveau de la langue hébraïque en Europe à compter de 1860. L’hébreu représente alors une unité du mouvement sioniste.
Le sionisme travailliste fut développé à partir de 1901, date à laquelle, des militants issus de l’empire russe marxiste, socialistes ou communistes arrivent en Palestine. Ils instaurent alors une façon nouvelle de travailler et créent des syndicats. On appelle alors ce mouvement « sionisme socialiste » ou « sionisme ouvrier » qui deviendra ensuite « sionisme travailliste ».
Le mouvement sioniste est également caractérisé par l’esprit de synthèse et en particulier l’esprit rassembleur de Theodor Herzl et ses compétences spécifiques en gestion de conflit. Suite à sa mort en 1904, l’Organisation sioniste mondiale éclate et on parle de sioniste synthétique. Chaim Weizmann s’évertue à user de la même stratégie diplomatique que son prédécesseur et parvient à ressouder l’organisation. Cependant, Weizmann trop souple, accepte des unions non favorables à la création d’un état juif et perd la direction du mouvement. C’est Ben Gourion qui réussit à fédérer les différents clans (socialistes/capitalistes et traditionalistes/modernistes).
Le grand rabbin Abraham Kook fait également preuve d’un grand esprit de synthèse en démontrant la complémentarité des forces principales de la société juive : l’orthodoxie religieuse, le nationalisme et l’humanisme socialisant. Suite à la déclaration de Balfour en 1917, à la conférence de San Remo en 1920 et au mandat de la Société des Nations en 1922, il est attribué un foyer national juif en Palestine au mouvement sioniste. Mais les Palestiniens protestent, car ils craignent qu’on leur prenne leur terre à terme. La Palestine devient alors mandataire, placée sous mandat britannique. Entre 1918 et 1948, les juifs s’installent par vague en Palestine qui passe alors de 83 000 Juifs à plus de 650 000. La période troublée en Europe (Première et Seconde Guerres mondiales) pousse les populations juives à immigrer massivement. On recense également un très fort taux de natalité durant ces 30 années.
Durant la Shoah, l’agence juive permet l’immigration des juifs d’Europe par différents moyens au vu de l’urgence de la situation allant même jusqu’à conclure des accords avec les nazis pour permettre aux juifs allemands de s’exiler en Palestine ou fermer les yeux sur l’immigration clandestine. Par opposition au sionisme et à l’arrivée massive de ces flux migratoires sur leurs terres, les Palestiniens développent une idéologie nationaliste. Entre 1936 et 1939 la révolte arabe en Palestine mandataire éclate et s’ensuit un mouvement d’activisme des organisations sionistes. Suite à ces vagues de violences successives, les Britanniques rendent leur mandat à l’ONU en 1947.
Le courant révisionniste est un mouvement libéral qui prône la défense des droits individuels en s’opposant au socialisme qui dirige l’économie sioniste jusqu’en 1977. À compter de cette date, on assiste au démantèlement de l’économie socialiste de l’état hébreu ainsi qu’à une libéralisation sur le plan politique.
Suite aux nombreuses attaques qui ciblent la population juive, l’organisation d’une auto-défense devient indispensable. Dès 1862, une force de défense est mise en place, mais elle finit par sortir du cadre de la défense avec la naissance de certains groupes offensifs défendant des valeurs et principes combattants. Mais les attaques arabes envers les établissements juifs se poursuivent et le sioniste révisionniste Zeev Jabotinsky déclare dans un article :
« Il est au-delà de tout espoir et de tout rêve que les Arabes de la terre d’Israël arrivent volontairement à un accord avec nous, maintenant ou dans un futur prévisible. […] Il n’y a pas le plus mince espoir d’avoir l’accord des Arabes de la terre d’Israël pour que la Palestine devienne un pays avec une majorité juive. […] Notre colonisation ne peut, par conséquent, continuer à se développer que sous la protection d’une force indépendante de la population locale, un mur de fer infranchissable. […] Ensuite seulement les Arabes modérés offriront des suggestions pour des compromis sur des questions pratiques telles qu’une garantie contre l’expulsion, ou l’égalité ou l’autonomie nationale. »
Il affirme cependant ne pas vouloir exiler la population arabe ni l’opprimer, mais les massacres se poursuivent et l’idéologie sioniste devient de plus en plus véhémente au sein des groupuscules et milices juives. Ce sera en grande partie ce qui poussera les Britanniques, opposés à l’immigration juive, à rendre le mandat qu’ils détenaient sur la Palestine.
La création de l’État d’Israël fait suite à la proposition de partage de la Palestine émise par l’ONU en 1947. Il s’agirait de créer un état juif et un état arabe sur les mêmes terres. Jérusalem serait la ligne de partage et serait administrée internationalement. L’agence juive se montre particulièrement favorable à cette proposition contrairement à la majorité des états arabes et aux Palestiniens.
Un vote est alors mis en place dans un climat particulièrement tendu et la proclamation de l’État d’Israël a lieu le 14 mai 1948. La ligue arabe composée de la Transjordanie, de l’Égypte, de la Syrie et de l’Irak déclare alors la guerre. Celle-ci fait rage jusqu’à la signature par Israël d’un cessez-le-feu en 1949.
En trois années la population israélienne double, car l’état accueille, entre autres de nombreux réfugiés de la Seconde Guerre mondiale. Dans les années 1990, ce sont les Russes qui affluent en masse formant ainsi la plus grande communauté juive d’Israël. On estime qu’en 2019, avec ses 9 092 000 habitants, Israël est le pays comptabilisant le plus de Juifs au monde avec un taux 79 % contre 21 % d’Arabes.
Les idéaux sionistes
Le mouvement sioniste fut donc principalement créé pour contrer l’antisémitisme grandissant de la fin du XIXe siècle. Theodor Herzl s’exprimera en ces termes dans un de ses écrits : « la question juive existe partout où les Juifs vivent en nombre tant soit peu considérable (…) Les Juifs pauvres apportent maintenant avec eux l’antisémitisme en Angleterre, après l’avoir importé en Amérique. Je crois comprendre l’antisémitisme qui est un mouvement très complexe (…) [qui] peut être considéré comme un effet de la légitime défense ». Il fut étrangement soutenu par des antisémites notoires comme Grégoire Kauffmann ou Drumont.
Mais cela fut rejeté par les sionistes européens qui craignirent que les Juifs orientaux ne soient assimilés, voire confondus avec les Arabes. Il serait possible de faire recours aux Juifs orientaux pour établir le lien et entamer une médiation entre sionistes ashkénazes et palestiniens, mais le mouvement sioniste en est pour le moment incapable. La presse juive au Moyen-Orient le déplore d’ailleurs régulièrement, car il s’agirait là d’un premier pas en faveur de l’amélioration des relations entre les deux populations.
Les Juifs séfarades se sentent exclus du mouvement sioniste et de ses institutions et n’ont à l’heure actuelle plus aucun pouvoir décisionnaire. Il faut savoir que 15 000 juifs yéménites ont pu fuir leur pays d’origine pour rejoindre la Palestine, soutenus par le mouvement sioniste entre 1910 et 1948.
Ce dernier les a ensuite soutenus et leur a permis de s’installer dans des quartiers spécifiquement créés pour eux. Mais, ils ont par la suite été exploités dans les plantations en étant payés bien en dessous des salaires octroyés aux ashkénazes. Suite au conflit israélo-arabe, une grande partie des juifs orientaux et des séfarades ont fui les terres ancestrales pour lesquelles elles avaient pourtant un profond attachement.