Méa Shéarim est un terme hébreu signifiant « cent portes ». C’est le donné à l’un des cinq premiers quartiers juifs de Jérusalem. Il se situe au nord-ouest de la vieille ville et s’est massivement agrandi depuis sa création dans le courant du XIXe siècle. Au départ, il ne comportait en effet qu’un petit ensemble de bâtiments que l’on peut toujours visiter aujourd’hui. Dans ce quartier vivent exclusivement des Juifs ultra-orthodoxes ce qui en fait un quartier assez connu de par le monde. Dans cet article, nous vous invitons à découvrir l’histoire du quartier de Méa Shéarim et de comprendre comment se déroule la vie au cœur de ce dernier.
Histoire du quartier de Méa Shéarim
Le nom hébreu de Méa Shéarim fut attribué en raison de la référence aux cent portes d’entrée mentionnées par la Torah (recueil d’enseignement divin que Dieu transmit à Moïse sur le fameux Mont Sinaï). Lors de la semaine où fut créé le quartier, c’était justement la section hebdomadaire (passage de la Torah lu publiquement) qui était étudiée à la synagogue.
C’est la raison pour laquelle le quartier fraîchement créé fut nommé ainsi. Mais, ce terme de Méa Shéarim ferait surtout allusion aux « cent mesures » évoquées par la Genèse (premier livre biblique). Il évoquerait le rendement que récolte Isaac (fils d’Abraham) après avoir ensemencé son champ. La Genèse mentionne : « Isaac sema dans ce pays-là, et recueillit cette même année au centuple, tant Dieu le bénissait. »
Il fut construit dans le courant du XIXe siècle pour améliorer la qualité de vie, devenue médiocre au sein de la vieille ville de Jérusalem. On bâtit alors des maisonnettes comportant deux pièces les unes accolées aux autres formant ainsi un rempart naturel. Ces petites maisons étaient alors prévues pour une dizaine d’habitants. Pour amener les enfants jusqu’aux écoles, il fallait se rendre au sein de la vieille ville.
Lors de la guerre israélo-arabe de 1948 précédant la création de l’État d’Israël, le quartier de Méa Shéarim fut attribué à Israël tandis que la vieille ville de Jérusalem fut prise par les Arabes. Les synagogues furent alors détruites, et les Juifs sommés de quitter les lieux. À la création de l’état hébreu, on écouta les souhaits des habitants juifs de Méa Shéarim et ils furent pris en compte. Le droit du retour, qui garantit à toute personne juive de revenir vivre en Israël fut alors appliqué aux orthodoxes et aux laïcs et respecté.
Les désistements pour raisons religieuses étant acceptés par l’armée israélienne, le service militaire obligatoire ailleurs ne fut pas imposé à cette communauté jusqu’en 2016. Ce passe-droit est justifié par le fait que l’on ne peut contraindre personne à porter une arme et ils évitaient également de devoir faire le service national à partir du moment où ils pouvaient attester qu’ils étudiaient au sein d’une yeshiva (centre d’étude de la Torah dans le judaïsme). Mais, la donne change à partir de 2017 où les ultra-orthodoxes sont tenus d’effectuer leur service civique sous peine de lourdes sanctions.
La vie au cœur de Méa Shéarim
Il faut savoir que Méa Shéarim reste un quartier à part et isolé bien qu’appartenant à la ville de Jérusalem Sa population est majoritairement composée de Juifs ultra-orthodoxes (ou Haredi) et principalement hassidique (courant mystique du judaïsme). Les rues ressemblent à celles des villages ou des quartiers juifs européens d’Europe de l’Est avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale. La vie est intégralement tournée vers le respect de la loi juive et de l’application de la religion (prières, lectures d’ouvrages religieux, etc.).
Les hommes sont vêtus d’une longue veste, de type redingote, et d’un chapeau noir et les femmes arborent des vêtements couvrant l’intégralité des bras et pour certaines, d’épais bas noirs portés tout au long de l’année y compris durant la chaude saison. Les femmes mariées doivent se couvrir les cheveux, mais le foulard n’est pas imposé. Il peut également s’agir de perruques ou tout autre type d’accessoire destiné à recouvrir les cheveux. La plupart des hommes portent la barbe et de longues mèches bouclées appelées peyot.
Généralement, l’usage de l’hébreu et du yiddish sont privilégiés que ce soit pour la prière et l’office religieux ou dans la vie de tous les jours. Ils croient en une certaine sacralité de la langue hébraïque et la défendent. Sont représentés à Méa Shéarim les groupes hassidiques de :
- Breslov,
- Slonim,
- Toldos Aharon,
- Toldos Avraham Yitzchak,
- Mishkenos HaRoim,
- Satmar
La dynastie Pinsk-Karlin possède également un centre dans ce quartier. C’est l’Edah HaChareidis, fédération qui siège à l’ouest du quartier de Méa Shéarim. Elle supervise la cacheroute (code alimentaire s’appliquant aux enfants israéliens) et gère le tribunal religieux juif. Le quartier abrite également le siège du mouvement ultra-orthodoxe Neturei Karta connu pour être antisioniste et qui prône le démantèlement de l’État d’Israël. On retrouve également au sein de ce quartier, les descendants de la communauté Perushim, appelés « Yerushalmis ».
Certains habitants de Méa Shéarim désirent vivre sous autorité arabe et en ont formulé la demande. L’éminent rabbin Yosef Shalom Eliashiv (1910-2021) principal décideur (posek en hébreu) des lois juives vécut au sein du quartier de Méa Shéarim. Lorsque l’on entre dans le quartier, des affiches comportant le mot « Modesty », en anglais et en hébreu, disposées à chaque entrée donnent le ton de la vie au sein de Méa Shéarim. Si vous souhaitez visiter le site, vous devrez revêtir des vêtements modestes et vous comporter de façon discrète une fois au sein du quartier. Les groupes de touristes trop importants ne sont d’ailleurs pas acceptés et doivent être scindés pour passer inaperçus.
Durant le Shabbat, (du vendredi au coucher du soleil au samedi au coucher du soleil) visiteurs et habitants de Méa Shéarim doivent s’abstenir de fumer, de prendre des photographies, d’utiliser leur téléphone mobile et même de conduire. Les hommes doivent également se couvrir la tête en entrant dans une synagogue. Tous ces rituels sont effectués en guise de respect et d’attachement aux traditions ancestrales qui animent la communauté. Ces croyants sont de fervents défenseurs de leurs droits et souhaitent pouvoir poursuivre leurs rites sacrés.
Informations annexes
Si vous souhaitez vous rendre à Méa Shéarim, pensez à bien vous référer aux écriteaux. Ils demandent à chaque personne de pénétrer dans le quartier en étant habillé de manière décente. Des dérives à l’application de la religion ont eu lieu dans ce quartier. On pense notamment à ce fait divers effroyable survenu durant l’été 2009 où une jeune femme fut arrêtée par la police accusée de manquement de soin sur son fils de trois ans. Le petit garçon ne pesait en effet que 7 kilos après avoir subi pendant de long mois une privation de nourriture.
Si les forces de l’ordre ont évoqué que la jeune mère de famille pourrait être atteinte du syndrome de Münchhaussen(fait de simuler une maladie afin d’attirer l’attention sur soi), cela pourrait attester d’un cas grave d’extrémisme religieux. Les adeptes du mouvement de pensée hassidique ont alors commencé à se révolter contre cette arrestation et des émeutes éclatèrent dans certains quartiers de Jérusalem comme Méa Shéarim, Geula, autour de la rue Bar Ilan et ont fédéré de nombreuses personnes jusqu’à la ville de Bet Shemesh située à une trentaine de kilomètres de là.
On dénombre lors de ces émeutes des jets de pierres envers les forces de police, des voitures et bennes à ordures incendiées, des agressions d’employés municipaux et des attaques dans un centre social et contre le ministère de l’Éducation situés à proximité. Des troubles à l’ordre public ont également éclaté lorsque la municipalité a pris la décision de laisser certains parkings ouverts durant le Shabbat. Ces révoltes furent alors nommées Guerre du Shabbat.