Moshe ben Maïmon, plus communément connu sous le nom français de Moïse Maïmonide, est né dans la ville de Cordoue le 30 mars 1138 et décédé dans la ville de Fostat le 13 décembre 1204. Moïse Maïmonide est un rabbin séfarade, c’est-à-dire un juif des pays méditerranéens, du XIIème siècle. Il est considéré comme l’une des plus célèbres autorités rabbiniques du Moyen-Age. En effet, l’histoire retient de Moïse Maïmonide qu’il est l’une des seules autorités juives à avoir influencé le monde arabe-musulman et chrétien. Thomas d’Aquin, philosophe religieux de l’ordre dominicain, l’appelait d’ailleurs « l’Aigle de la Synagogue »
Auteur, compilateur du Talmud (recueil des enseignements des grands rabbins), commentateur de la Mishna (premier recueil de la loi juive orale), décisionnaire mais aussi jurisconsulte, il est également l’auteur du Mishné Torah (ouvrage magistral et un des codes les plus connus de la loi juive). En tant que philosophe, théologien et métaphysicien, il prend l’initiative, au même titre qu’Averroès (philosophe, juriste et médecin musulman andalou), de rédiger une synthèse sur la révélation et la vérité scientifique. En son temps, ces dernières sont initialement représentées par Aristote. Moïse Maïmonide était également médecin et astronome, il entreprend donc de publier différents traités dans ces domaines. Ces publications ont participé à son évolution parmi ses autres contemporains.
Moïse Maïmonide, en tant que dirigeant de la communauté juive située en Egypte, se charge de maîtriser l’influence du karaïsme (courant judaïsme scripturaliste fondé sur la Bible hébraïque et qui refuse toute forme de loi orale) et entreprend de répondre aux diverses requêtes et questions de certains centres éloignés tels que l’Irak et le Yémen. Ses idées sont cependant accueillies avec plus d’hostilité en France ainsi qu’en Espagne. En effet, la majorité de ses écrits et son rationalisme ont pendant des siècles fait l’objet de nombreuses controverses.
La biographie complète de Moïse Maïmonide
Moshe ben Maïmon est né à Cordoue, ville du sud de l’Espagne, en mars 1138. A ce moment là, l’Espagne est sous la domination de la dynastie berbère sanhajienne des Almoravides. Cette dynastie est fondée à partir d’un clan nomade originaire du Sahara qui accompli une unification des peuples fondée sur l’islam et la notion de guerre sainte.
La famille de Moïse siège au tribunal rabbinique de la ville de Cordoue depuis déjà sept générations. Ainsi, son père, Rabbi Maïmon ben Yossef HaDayan, est régulièrement consulté par la communauté juive arabophone. C’est une autorité très respectée dans le pays.
Les divers enseignements suivis par Moïse Maïmonide durant son enfance
Suite au décès de son épouse, le père de Moïse entreprend de lui assurer une bonne éducation en lui transmettant les enseignements du rabbin andalou et juge rabbinique Joseph ibn Migash. D’ailleurs, Moïse Maïmonide le désignera par la suite, dans ses écrits, comme son maître, malgré qu’il soit décédé alors qu’il n’avait que trois ans. Il se considère comme son disciple, au même titre qu’Isaac Alfassi et Hananel ben Houshiel. De plus, Moïse assimile également de solides connaissances sur le savoir religieux et profanes de son temps avec les enseignements du rabbin babylonien Samuel ben Hofni.
C’est d’ailleurs l’une des derniers autorités juives halakhiques qui influencera sa méthode. A coté de tous ces enseignements, Moïse Maïmonide développe un grand intérêt pour la philosophie grecque et les sciences. En effet, dans les traductions arabes, il dit avoir lu la philosophie grecque avec le fils du mathématicien et astronome Jabir Ibn Aflah.
Les différentes étapes des routes empruntées par la famille de Moïse Maïmonide
Au cours de la dixième année de Moïse, la ville de Cordoue est conquise par une dynastie musulmane d’origine berbère : les Almohades. Cette dynastie souhaite revenir à un islam sans la moindre influence extérieure. Ils ne veulent plus de non-musulmans sur leurs terres puisque la dhimma (loi imposant un statut inférieur aux non-musulmans mais qui accordait à ces derniers une certaine protection s’ils effectuaient correctement leurs tâches) est abolie. Les non-musulmans n’ont donc d’autres choix que la mort, l’exil ou la conversion.
La famille de Moïse a donc erré dans le sud de l’Espagne pendant dix années avant de se décider à rejoindre le Maroc, plus précisément la ville de Fès. Elle demeurera dans cette ville pendant cinq années jusqu’à ce qu’elle devienne également un lieu de disputes et persécutions en rapport avec l’intolérance religieuse. Le directeur de l’académie talmudique de la ville de Fès, le rabbin Yehouda Hacohen Ibn Shoushan, a d’ailleurs été exécuté en martyr pour avoir refusé de se convertir à l’islam. Quelques jours après cet évènement, la famille de Moïse a décidé de prendre la route vers la terre d’Israël.
La famille décide donc de se diriger vers le centre du pouvoir de la dynastie Almohade plutôt que de l’éviter. Un parcours atypique qui suscitera de nombreuses légendes. En effet, l’une d’entre elles raconte que Maïmonide a dû se cacher pendant sept années dans une grotte afin d’échapper aux représailles. Ce parcours aura également susciter diverses controverses sur une potentielle conversion de la famille à l’islam durant cette période.
A leur arrivée en Israël, la famille de Rabbi Maïmon est accueillie par le dirigeant de la communauté de Saint-Jean dans la ville d’Acre (ville d’Akko en hébreu), le rabbin Yefet ben Eliyahou. Le père de Moïse devait possiblement entretenir des relations épistolaires avec celui-ci. Cinq mois plus tard, ce rabbin les mènera en pèlerinage à Jérusalem, sur le mont du Temple, ainsi qu’à Hébron, dans le tombeau des Patriarches.
Les raisons du succès de Moïse Maïmonide
Moïse Maïmonide va se faire connaître du monde juif par le biais de l’important rôle qu’il a joué dans la rescousse des juifs de l’ancienne cité fortifiée Bilbéis en Egypte. Ces juifs étaient pris en otage lorsque la ville était assiégée par le roi Amaury Ier de Jérusalem. En effet, en accomplissant le devoir religieux de rédemption des captifs, et via divers communications avec cinq communautés de Basse-Egypte, Moïse Maïmonide fini par obtenir la rançon réclamée. Il a donc fait parvenir cette somme par le biais de deux juges envoyés en Palestine pour négocier avec les Croisés la libération des juifs.
Quelques temps plus tard, la famille de Maïmonide a, une nouvelle fois, pris la route en direction de l’Egypte cette fois. Il semblerait que la famille ait été contrainte de quitter Israël en raison de la précarité des conditions de vie à Saint-Jean d’Acre. Toutefois, une autre hypothèse sur ce départ avait également été avancée : celle que le rôle joué par Moïse, dans la rédemption des juifs de Bilbéis, aurait pu lui ouvrir de nouvelles perspectives.
Une fois arrivée en Egypte, Rabbi Maïmon, le père de Moïse, meurt à Alexandrie. Son corps sera cependant rapatrié à Tibériade, capitale de la Galilée dans le nord de l’Israël, pour y être enterré.
Suite au décès de leur père, Maïmonide, sa soeur ainsi que son frère David, prennent la route au départ d’Alexandrie pour se diriger vers Fostat, une ville en périphérie du Caire. Il y sera nommé dirigeant des Juifs (Raïs al Yahoud en hébreu) vers l’année 1171.
La vie de Moïse Maïmonide en Egypte
Suite à sa nomination en tant que dirigeant des Juifs, Moïse assure la direction spirituelle de la communauté juive. Il publie également, à l’intention des Juifs de langue arabe, un lexique de logique, ainsi qu’un commentaire sur la Mishna (premier recueil de la loi juive orale et de la littérature rabbinique). Ces publications sont venues consolider sa réputation qui était déjà bien acquise puisque Moïse consacrait des journées entières à l’étude de la religion. Son frère, David, assurait quant à lui leur existence par le biais du commerce de pierres précieuses.
Aux alentours de l’année 1177, David, le jeune frère de Moïse, se rend, sous les instructions de son frère, au port d’Aidab, au Soudan. A son arrivée au port, David décida de tenter sa chance aux Indes. Malheureusement, l’embarcation qui devait l’y mener coula en mer.
Suite au décès de son frère, et après une très longue période de deuil, Moïse Maïmonide fini par exercer la médecine. En effet, ne souhaitant pas monnayer ses nombreuses connaissances en philosophie ou en Torah, il décida de se lancer dans la médecine qu’il avait déjà étudié lorsqu’il était à Cordoue ou encore à Fès. Maïmonide devient donc le médecin attitré du secrétaire de Saladin, le vizir Al Qadi al Fadil, puis par le suite du fils du sultan mais également du reste de la famille. C’est à cette période de sa vie que Moïse rédigea le meilleur de son oeuvre.
Après avoir perdu sa fille ainsi que sa femme lors d’une épidémie, Moïse se remaria avec la fille de Mishaël Halevi pour ensuite donner naissance à un enfant : Avraham Maïmonide. Ce dernier succèdera à son père à la tête de la communauté juive d’Egypte. Il se fera connaître, comme son père, en tant qu’illustre médecin et penseur éminent.
Moïse Maïmonide décéda à Fostat en Egypte le 12 décembre 1204. Il aura cependant obtenu d’être enterré à Tibériade afin de séjourner aux côtés de son père défunt. Toutefois, quelques théories disposent que sa tombe se situerait en Egypte, voire même à Fès au Maroc.
Les oeuvres de Moïse Maïmonide
En matière de littérature légale, Moïse a rédigé de nombreux écrits. Ils prenaient généralement la forme de commentaires ou des épîtres. Cependant, il a également rédigé un code spécialement conçu pour remédier à une trop grande dispersion des règles de la pratique juive. Ce dernier est rapidement devenu l’un des textes les plus importants de la loi juive.
Moïse Maïmonide a également rédigé divers traités en matière scientifique. Dans la majorité de ses écrits scientifiques, Moïse souhaitait concilier la science et la foi. Ces traités étaient très appréciés par les savants de son temps puisque sa doctrine est assez semblable à celle d’Averroès. Il estimait que la vérité scientifique n’amène pas à exclure Dieu mais à mieux percevoir sa perfection.
Les oeuvres de son enfance
Durant sa jeunesse, Maïmonide rédige plusieurs esquisses rabbinique en hébreu. Ces esquisses n’ont cependant pas été conservées donc ce n’est qu’à travers des mentions dans quelques lettres de correspondance que ces dernières sont connues (comme le projet de traité sur les points compliqués du Talmud de Babylone) ou encore par des fragments retrouvés (comme quelques extraits des lois du Talmud de Jérusalem)
Les oeuvres décisionnaires et talmudistes
Moïse Maïmonide s’est efforcé de rassembler toutes les décisions halakhiques et législatives qui ont été dispersées dans le Talmud. Pour ce faire, il s’est basé sur les travaux du Rif et il y a ajouté les opinions des autorités juives halakhiques, plus communément appelées les Gueonim. Ce recueil, rédigé en hébreu, était destiné à permettre à tout les Juifs de connaître la bonne conduite à avoir, et cela même s’ils ignoraient tout de la Torah ou du Talmud.
Cependant, même si Maïmonide a rencontré un énorme succès en son temps, il a également dû faire face à certaines résistances et controverses. En effet, pour ne prendre qu’un seul exemple, le rabbin de Provence Ray Abraham ben David de Posquières (RabaD) faisait des objections aux différentes positions de Moïse Maïmonide. Il ne voulait cependant pas attaquer personnellement Maïmonide en remettant en doute ses avis, il souhaitait seulement démontrer qu’il pouvait exister une opinion différente de la sienne. Les critiques de RabaD se retrouve régulièrement dans les diverses éditions du Mishné Torah.
Les oeuvres philosophiques et théologiennes
Les principales contributions de Maïmonide en matière philosophique juive, outre son lexique des termes philosophiques, sont le Traité des Huit Chapitres, qui est une introduction au fameux Traité des Pères, et le Guide des égarés.
Ainsi, outre le fait d’avoir développé des connaissances intimes de la philosophies arabe, il s’est éduqué au travers des travaux des grands penseurs comme les doctrines d’Aristote. En effet, toutes ses oeuvres philosophiques et théologiennes visent à réconcilier la sciences et la philosophie d’Aristote avec les divers enseignements de la tradition juive. Maïmonide a donc été perçu comme la personne ayant synthétisé les doctrines cardinales du judaïsme avec le plus de netteté possible.
Son oeuvre sur les 13 principes de la foi
Maïmonide a énoncé ces 13 principes de la foi pour la première fois dans un de ses commentaires sur la Mishna. Ces principes ont été soumis à de fortes critiques, comme la majorité de ses écrits d’ailleurs. Toutefois, ces principes ont rapidement été considérés comme fondamentaux.
Ces 13 principes de la foi traitent de divers thèmes : l’existence de Dieu, l’unité de Dieu, le caractère incorporel de Dieu, la priorité ontologique, l’interdiction de l’idolâtrie, la vérité de la prophétie, l’unicité de la prophétie mosaïque, l’origine divine de la Torah, l’authenticité de la Torah, l’omniscience de Dieu, la récompense et la punition, le messie, ainsi que la résurrection.
Les oeuvres sur la théologie négative
Pour concevoir ces oeuvres, Maïmonide s’appuie principalement sur la tradition rabbinique, notamment sur le Talmud, mais également sur l’oeuvre du plus célèbre représentant de l’école judéo-platonicienne d’Alexandrie au Ier siècle de l’ère chrétienne, Philon d’Alexandrie. Il s’appuie tout particulièrement sur la théologie négative élaborée par ce dernier.
En effet, pour rédiger ses oeuvres, Maïmonide reprend les mêmes bases que Philon d’Alexandrie. Par exemple, dans l’un de ses ouvrages, Philon affirme que Dieu reste indicible et incompréhensible, et Maïmonide, quant à lui, affirme que Dieu n’est qu’une métaphore ou une allégorie.
Les commentateurs modernes des oeuvres de Maïmonide, notamment Léo Strauss ou encore Shlomo Pinès, ont supposé qu’il destinait ses professions de foi à un public peu instruits tout en étant des croyants respectables. D’ailleurs, selon Léo Strauss, l’ésotérisme (courants de pensée marginaux à dominante secrète ou étrange) occupe une place importante dans les écrits de Maïmonide. Cela est d’autant plus réel qu’à cette époque la liberté d’expression était loin d’être acquise.
De plus, cette ésotérisme est également justifiable par le fait que la tradition juive réclame toujours une part d’interprétation des textes saints. C’est donc pour cela que, selon Hayoun, le Guide des égarés de Maïmonide ne doit pas être mis entre n’importe quelles mains puisque l’ésotérisme de Maïmonide est fondé sur une maïeutique qui est une méthode permettant de mettre en forme des pensées confuses par le biais du dialogue et des débats.
En effet, les écrits de Maïmonide prennent un aspect religieux pour répondre à certaines exigences de niveau social mais il n’incorpore aucune croyance qui s’imposerait d’elle-même. Selon Maïmonide l’édifice des mondes repose sur des connaissances, sur une pensée, mais jamais sur une foi initiale. Le premier des commandements est donc la connaissance.
Les oeuvres cabalistiques
La philosophie néo-aristotélicienne, qui était élaborée dans de grandes capitales arabes, a largement été transmise en Occident médiéval grâce aux ouvrages de Moïse Maïmonide. Ainsi, ce dernier est donc considéré, et à juste titre, comme une philosophe rationaliste qui tend à concilier les impératifs de la foi avec ceux de la raison.
Toutefois, selon Léo Strauss, Moïse Maïmonide ne se réduit pas à ce seul aspect. En effet, ce rationalisme, issu des oeuvres d’Aristote, ne constitue qu’une part exotérique de la pensée maïmondienne puisque la part ésotérique, venue de la tradition juive, est également au centre d’une grande partie de son oeuvre lorsqu’il y fait préfigurer de la littérature cabalistique (littérature ayant rapport à la science occulte). Selon Léo Strauss, on pourrait même considérer que Maïmonide était le premier cabaliste.
Strauss avance un argument assez paradoxal puisqu’en Occident, les écoles maïmonidiennes se sont défiées, et parfois très rudement, aux écoles cabalistiques. Il faut néanmoins noter que Moïse Maïmonide a eu une influence considérable sur certains grands cabalistes tels que Abraham Aboulafia ou encore Azriel de Gérone. De plus, les descendants de Maïmonide fonderont, eux-mêmes, une école mystique au Caire qui sera relativement proche des écoles cabalistiques occidentales. Cette dernière information vient donc corroborer les propos de Léo Strauss même si ce n’est pas l’avis majoritaire de la doctrine.
Son oeuvre sur le traité de logique (version arabe) ou les mots de la logique (version hébreu)
Lorsqu’il avait environ vingt ans, Maïmonide commença à rédigé en arabe un traité de logique aristotélicienne qui a été inspiré par Al-Fârâbî. Suite au décès de Maïmonide, ce traité sera traduit en hébreu et il s’intitulera « Les mots de la logique ».
Cet ouvrage sera perçu comme un véritable chef-d’oeuvre, mais également comme un exemple de pédagogie. En effet, au sein de ce traité, Moïse Maïmonide y expose la logique aristotélicienne exactement comme les grands penseurs persans, tels que Alfarabi et Avicienne, l’enseignaient.
Pour rédiger son traité, Maïmonide avait deux maitres : le premier était bien évidemment Aristote, et le second maître était Alfarabi, qui est d’ailleurs le seul philosophe a avoir été mentionné dans son traité. Cependant, à la différence d’Aristote, Maïmonide laisse une grande part au déterminisme astral.
Dans ce traité de logique, Maïmonide explique aux honnêtes hommes le sens des mots techniques utilisés par les logiciens. Le traité ressemble donc à un lexique de mots inventoriés qui est cependant exposé de manière ordonnée avec des chapitres qui se succèdent de façon rationnelle. Chaque mot technique est précisément expliqué et illustré par divers exemples. C’est d’ailleurs ce qui fait de cette ouvrage un chef-d’oeuvre rassemblant clarté et concision.
L’oeuvre de la Lettre sur l’astrologie
Dans sa Lettre sur l’astrologie, Moïse Maïmonide critique les savants juifs de son époque concernant leur pratique de l’astrologie. Toutefois, il considère tout de même que l’ouvrage Agriculture nabatéenne, rédigé en arabe, d’Ibn Wahshiyya est le plus important des traités d’astrologie.
Cette Lettre sur l’astrologie est une réponse à une consultation provenant des rabbins de Montpellier. Au sein de cette Lettre, Maïmonide s’oppose à l’astrologie de ces savants juifs. En effet, il leur reproche de mélanger l’astrologie avec la cosmologie.
A partir de 1517, au moment de la création de l’imprimerie, la Lettre sur l’astrologie a été rééditée à de nombreuses reprises. On a d’ailleurs pu constater que l’astrologie a subi un véritable regain en Europe.
Le commentateur de cette oeuvre, René Lévy, explique que Maïmonide pense que l’astrologie implique un déterminisme strict auquel il s’oppose. Il va même jusqu’à disqualifier totalement l’astrologie. En effet, Moïse Maïmonide estime que tous les discours des astrologues sont des sottises et non de la science.
Maïmonide attribue l’invention de l’astrologie aux Egyptiens, aux Cananéens (ancienne civilisation du Proche-Orient qui correspond désormais aux territoires réunissant l’Etat d’Israël, l’ouest de la Jordanie, la Palestine, le Liban et l’ouest de la Syrie) ainsi qu’aux Chaldéens (région antique correspondant à la Babylonie dans le sud de la Mésopotamie, c’est-à-dire à l’Irak actuel).
Il en profite pour affirmer que les Grecs n’ont jamais rédigé un seul traité sur ce sujet mais qu’ils ont écrit sur l’astronomie. Par Grecs, Maïmonide entend principalement les philosophes péripatéticiens qui sont les disciples et successeurs d’Aristote.
Au sein de son oeuvre, Moïse Maïmonide opère donc une distinction entre l’astronomie et l’astrologie pour déterminer les actes humains. En effet, selon lui, l’astronomie repose sur le fait de connaître la nature des astres (leur nombre, leur grandeur ainsi que leur mouvement) alors que l’astrologie repose sur le fait de scruter les étoiles afin de pouvoir prédire l’avenir. Maïmonide estime donc que l’étude de la liberté humaine est composée de trois approches différentes :
- Celle des astrologues : ces savants nient la liberté humaine car ils considèrent que tout est déjà déterminé d’avance par les différentes influences astrales.
- Celle des philosophes : ces savants, qui estiment que les actes humains arrivent par hasard.
- Celle de la Loi de Moïse : cette loi affirme que les actes arrivent par la volonté divine, et plus précisément selon la sagesse et la justice de Dieu.
L’influence de Maïmonide en philosophie
Hasdaï Crescas, éminent philosophe, légaliste juif séfarade et auteur de « Or Hashem », est l’un des plus grands critiques de la philosophie maïmonidienne, et plus généralement aristotélicienne. La critique de ce philosophe entraina plusieurs savants du XVème siècle à défendre les différents travaux de Moïse Maïmonide.
En matière de philosophie, Moïse Maïmonide était l’un des seuls penseurs du judaïsme médiéval dont l’influence brillait au-delà des cercles juifs. En effet, ses oeuvres ont exercé une influence constante sur la philosophie scolastique (philosophie qui vise à concilier l’apport de la philosophie grecque avec la théologie chrétienne héritée des Pères de l’Eglise), notamment auprès d’Albert le Grand, Duns Scot ainsi que Thomas d’Aquin.
La grande influence de Maïmonide se prolongera jusqu’au siècle des Lumières. D’ailleurs, Moïse Mendelssohn et Spinoza seront considérés par certains comme des successeurs de Moïse Maïmonide. Toutefois, son influence ne s’est pas arrêté à ce moment là puisqu’il est, encore aujourd’hui, l’un des philosophes juifs les plus respectés. De plus, ses divers théories font toujours preuves de force et de vigueur au sein de la pensée juive contemporaine.
Il faut cependant rappeler qu’au cours des siècles suivants les Lumières, l’influence de Moïse Maïmonide était régulièrement source de discordes. En effet, il y avait d’une part les maïmonidiens et d’autre part les anti-maïmonidiens. Malgré ces différends, la majorité des penseurs anti-maïmonidiens de son temps restent toutefois partagés car certes ils rejettent certains éléments qu’ils estiment être en désaccords avec la tradition mais ils ne peuvent que reconnaitre le génie de l’homme ainsi que sa vision aristotélicienne du monde.
L’influence de Moïse Maïmonide en médecine
En pratique médicale
Peu de choses concernant la formation médicale de Maïmonide sont connues puisqu’une grande partie de celle-ci a été faite de manière autodidacte. En effet, Moïse Maïmonide a énormément lu pour pouvoir se former théoriquement à la pratique de la médecine. En revanche, il a tout de même étudié la médecine après le décès de son père en 1166 en suivant l’enseignement du fils d’Ibn Zhur.
Il a donc rédigé plusieurs écrits en la matière. Des écrits où l’on peut s’apercevoir qu’il dispose d’une grande connaissance sur les auteurs grecs (comme Aristote, Galien ou bien Hippocrate) et arabes (notamment Rhazès, Ibn Zhur ou encore Al Farabi)
Moïse Maïmonide s’est tellement investi dans la pratique de la médecine qu’il a même fini par figurer dans les médecins personnels de l’entourage de Saladin, sultan de la dynastie ayyoubide. Il a même été le médecin personnel de son fils, Al-Afdhal. C’est d’ailleurs à la demande de ce dernier que Maïmonide a rédigé la majorité de ses traités médicaux en arabe, et notamment ses trois principaux ouvrages qui ont été très appréciés en Occident : les aphorismes, la Conservation de la santé (ou Régime de santé pour le sultan) et le Traité des poisons.
D’après Samuel Ibn Tibbon, disciple et traducteur hébreu de Maïmonide, cette position de médecin personnel de la famille de Saladin lui aura valu une énorme reconnaissance professionnelle. En effet, bien qu’il était déjà réputé pour être un grand théologien, certains médecins arabes n’hésitaient pas à voyager jusqu’au Caire afin de le rencontrer et d’apprendre de lui.
De plus, selon son ami et biographe Ibn Al Qifti, historien musulman, le roi Richard Coeur de Lion aurait même demandé à Maïmonide de devenir son médecin personnel lors de la Troisième Croisade. Maïmonide n’aura cependant jamais accepté car il ne faisait pas de la médecine son apanage.
Avant Maïmonide, certaines figures comme Juda Halevi ont uniquement vécu de l’exercice de la médecine. D’autres, comme Narboni, Joseph Ibn Caspi, Nahmanide ou encore Salomon ben Adret, en ont également vécu en considérant que seul un corps sain peut participer à sanctifier le monde. Toutefois, aucun d’entre eux ont su faire preuve d’un esprit novateur dans le domaine médical comme Maïmonide a pu le faire.
En refusant la magie
Maïmonide considère la maladie comme une interruption naturelle d’un processus qui peut résulter de la volonté divine de Dieu mais qui ne peut cependant pas se réduire à être perçue comme une punition. En effet, selon lui ce n’est pas possible puisque Dieu n’aurait pas crée des plantes médicinales afin de guérir certaines maladies.
De plus, Maïmonide ne croit pas au mauvais oeil malgré le fait que certains sages du Talmud y croient fermement. Il y a également des sages qui s’y opposent, comme c’est le cas de Rabbi Akiva qui considère qu’il ne faut pas interpréter les passages bibliques à sa guise. Il estime également que l’idolâtrie est une grande illusion et que le recours aux différents remèdes superstitieux et irrationnels n’est qu’un leurre.
En médecine naturelle
Selon Maïmonide, la maladie est simplement un déséquilibre passager qu’il faut ramener à l’état antérieur. Il estime également que les médicaments servent à soutenir la nature dans son pouvoir de guérison et non à la substituer. Le choix des médicaments doit donc être mesuré, c’est-à-dire qu’on administra les « drogues infectes » qu’aux cas désespérés.
D’après les théories de Maïmonide, pour guérir il faut concilier les ressources naturelles que le corps offre mais également les faculté de l’esprit. C’est d’ailleurs pour cela que Maïmonide était considéré comme l’un des précurseurs de la médecine psychosomatique.
Maïmonide exerçait la médecine de façon très pragmatique. En effet, lorsque l’état du patient de s’améliorait pas, il n’hésitait pas à émettre des critiques envers ses prédécesseurs et même envers son propre jugement. De plus, Maïmonide était l’un des rares médecins de son temps à expérimenter, sur lui-même, les médicaments qu’il prescrivait à ses patients.
L’importance d’une hygiène rigoureuse
Maïmonide vivait dans un monde musulman où l’hygiène était très importante et s’imposait même comme une prescription. En effet, au sein de cette culture, il fallait effectuer cinq ablutions afin de se présenter devant Dieu ou même avant de manger.
De plus, avant même de prôner l’hygiène au sens propre, Maïmonide prône avant tout une hygiène de vie saine. Il considérait donc la consommation d’alcool comme une altération du jugement qui venait endommager la santé mentale. Il recommandait donc de prendre soin de la santé de son corps en évitant toutes substances qui pouvaient y nuire. C’est d’ailleurs grâce aux théories de Maïmonide que les Juifs orthodoxes modernes s’appuient pour interdire toutes formes de drogues et même parfois de tabac.
Maïmonide recommande donc de boire et de manger des mets digestes sans excès. L’idéal, selon lui, serait de quitter la table en ayant encore faim, de ne pas manger d’aliments fermentés. De plus, il estime qu’il faudrait déféquer au minimum une fois par jour, avec l’aide de laxatifs si besoin, afin de ne pas provoquer une occlusion intestinale qui est une cause fréquente de décès à cette époque.
Outre une alimentation saine, Maïmonide recommande également de diminuer le nombre de ses rapports sexuels, de modérer son activité physique, d’avoir un sommeil régulier et paisible afin d’éviter de réaliser des siestes durant la journée, mais aussi de ne pas aller se coucher directement après le repas du soir afin de laisser le temps au corps de digérer et donc de passer une nuit agréable.
Moïse Maïmonide recommande également de réaliser des bains régulièrement ainsi que de la natation. C’est d’ailleurs pour cela qu’on peut observer de nombreux centres comprenant des hammams en Andalousie.
Les traités médicaux de Maïmonide
Les traités médicaux de Moïse Maïmonide se caractérisent principalement par leur style clair et concis. Par exemple, dans son Traité des poisons, son plan est très précis et il ne se contente donc pas de livrer ses connaissances dans un style livresque comme le faisait la majorité des auteurs de son temps.
Durant toute son existence, Moïse Maïmonide a pu rédiger dix ouvrages médicaux :
- Les Commentaires sur les seize livres de Galien : il s’agit d’un ouvrage où Maïmonide rassemble les extraits les plus importants à retenir de l’oeuvre de Galien. Cet ouvrage est destiné à l’intention des étudiants en médecine. Il reste d’ailleurs plusieurs manuscrits (en hébreu) de disponibles.
- Les Commentaires sur les aphorismes d’Hippocrate : dans cet ouvrage, Maïmonide se montre très critique à l’égard d’Hippocrate qui affirmait que le testicule droit produit des garçons tandis que le gauche produit des filles. En effet, en lisant cette phrase, Moïse affirme que l’homme devrait être un génie, ou même un prophète, pour savoir cela.
- Le Traité des hémorroïdes : ce traité se compose de 7 chapitres qui distinguent les formes simples d’hémorroïdes (saignantes et ouvertes) des formes compliquées (douloureuses et fermées). Au sein de ce traité, Maïmonide recommence la chirurgie qu’en dernier recours.
- De la vie conjugale : ce traité a été rédigé à la demande d’Al-Muzaffar, neveu du sultan Saladin, qui désirait améliorer ses performances sexuelles. Au sein de ce traité, Moïse Maïmonide évoque les recettes alimentaires et médicinales à suivre afin qu’elles agissent comme des aphrodisiaques.
- Le Traité de l’asthme : ce traité a été rédigé à la demande d’un des fils du sultan Saladin. Cet ouvrage est considéré comme étant le premier traité sur l’asthme basé sur la prévention. En effet, Maïmonide insiste sur le fait que le patient doit tout d’abord s’efforcer à vivre dans un air pur, ensoleillé et frais, avant d’adopter une hygiène de vie convenable (boisson, nourriture, activité physique, sommeil, émotions, sexualité)
- Le traité sur l’explication des accidents : cet ouvrage comprend divers commentaires ainsi que des remèdes concernant les accidents survenus par crises ou accès.
- Le glossaire de matière médicale : ce glossaire comprend 405 paragraphes indiquant différents noms de médicaments avec leurs équivalents dans plusieurs langues : arabe, grec, perse, syriaque, espagnol et berbère.
Moïse Maïmonide a également rédigé trois autres ouvrages qui ont fait de lui une icône dans le domaine médical en Occident médiéval et lors de la Renaissance :
- Les Aphorismes : cet ouvrage se compose de 1500 aphorismes (bref énoncé résumant une théorie ou un savoir) qui ont principalement été tirés de médecins grecs. Cet ouvrage est organisé en 25 chapitres qui couvrent chacun d’eux un domaine précis de la médecine : diabète, apoplexie, phtisie… Les Aphorismes constitue le traité médical le plus volumineux que Maïmonide ait pu faire.
- Le Traité des poisons : cet ouvrage est considéré comme le manuel de toxicologie de référence au Moyen-Age. Ce traité est composé de deux parties : la première évoque les morsures et les piqûres animales, tandis que la seconde évoque les poisons alimentaires et minéraux. Au sein de ce traité, Maïmonide propose plusieurs traitements comme l’utilisation d’un garrot après s’être fait mordre par un serpent, ou alors l’utilisation d’émétiques lorsqu’un poison a été ingéré.
- La Conservation de la santé : cet ouvrage contient des recommandations concernant l’activité, le domicile, le climat, le sexe, le vin, le bain ainsi que la respiration et l’alimentation. Du fait de la popularité de ce traité, il a dû être traduit dans de nombreuses langues. La phrase clé de cet ouvrage est d’avoir un esprit sain dans un corps sain. En effet, Maïmonide évoque le fait que le bien-être corporel va de paire avec le bien-être spirituel.
Le Serment de Maïmonide ou la prière médicale
Cette prière médicale, présente dans de nombreux cabinets de médecins et de chirurgiens-dentistes juifs, n’est pas exclusivement attribuée au « sage de Fostat ». En effet, Fred Rosner, professeur de médecine, affirme que cette prière ne peut pas être antérieure à 1783. Selon lui, l’auteur supposé de cette dernière serait Marcus Herz, médecin et philosophe allemand, qui l’aurait probablement écrit aux alentours des années 1790.
La traduction française de divers textes de Maïmonide
- Le Guide des égarés (ou Moré Névoukhim) : oeuvre majeure de Maïmonide qui a été rédigé en 1190 avec l’alphabet hébreu. Cet ouvrage a pour objectif d’aider les juifs croyants et savants à interpréter la philosophie ainsi que la théologie de la Torah. Cet écrit est également très présent dans différents écrits chrétiens des penseurs médiévaux.
- Le Mishné Torah (ou Yad haHazaka) : cet ouvrage prend la forme d’un code de la loi juive qui a été rédigé entre 1170 et 1180. Au sein de ce chef-d’oeuvre, Maïmonide reprend, pour chaque loi, les enseignements talmudiques qu’il faut en tirer, la règle à en tirer.
- Le Livre de la connaissance : ce livre forme la toute première partie du Mishné Torah. De par cet ouvrage et tel un législateur, Maïmonide souhaitait créer une théologie juive qui serait universellement reconnue.
- Le Traité d’éthique : au sein de cet ouvrage, Moïse Maïmonide mettait régulièrement en rapport le moral et le physique en s’intéressant tout particulièrement aux maladies de l’âme.
- Le Traité de Logique : cet ouvrage, rédigé vers 1158, évoque les différents fondements de la logique aristotélicienne.
- L’Epîtres : au sein de cet ouvrage et en raison de sa passion pour la vérité et l’équité, Moïse Maïmonide s’est principalement intéressé aux questions relatives à la lutte pour la survie des communautés juives menacées.
- La Lettre sur l’astrologie : cette Lettre écrite par Maïmonide fait la distinction entre l’astrologie et la cosmologie.
- Les Commentaires du Traité des pères : cet ouvrage prend la forme d’un recueil des sentences des sages d’Israël qui se confrontent de génération en génération.