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Les relations entre Israël et la Turquie

Table des matières

Bien que la Turquie soit un des seuls pays à prédominance musulmane à entretenir une relation avec l’état d’Israël, des tensions existent. Toutefois, ces relations fragiles tendent à se maintenir malgré les évènements historiques divers et une collaboration entre les deux pays est bien présente. Nous allons étudier l’histoire des relations diplomatiques entre Israël et la Turquie, les différents types de collaboration existants entre les deux pays, puis nous aborderons le rôle de médiateur joué par la Turquie, ainsi que la question du commerce entre Israël et la Turquie.

L’histoire des relations diplomatiques entre Israël et la Turquie

De nombreuses communautés juives vivaient en Turquie avant la prise du pays par l’Empire ottoman. Ce dernier accueillit les descendants de ces populations, chassés d’Europe par l’Inquisition en 1492.

Durant la Seconde Guerre mondiale, ce sont des milliers de personnes juives qui furent sauvées du fascisme par la Turquie. Parmi eux, des têtes pensantes et des artistes qui ont œuvré pour la modernisation de l’état turc.

Suite à la création d’Israël en 1948, le premier pays musulman à reconnaître l’état hébreu fut la Turquie et sa capitale Ankara. Durant la Guerre froide, c’est vers la neutralité que se tourne la Turquie en ce qui concerne le conflit israélo-arabe.

En 1958, un accord de coopération est signé entre les deux gouvernements contre « le radicalisme au Moyen-Orient et contre l’influence soviétique ». Les Frères musulmans d’Égypte appelèrent alors à la destruction de la Turquie au même titre qu’Israël. Cette coopération fut mise à mal après les années 1960 avec le rapprochement de l’état turc avec les pays arabes limitrophes.

S’ensuivent alors des relations mitigées. En 1967, la Turquie souhaite le retrait des militaires israéliens de Cisjordanie, de Gaza, du Sinaï et du Golan, mais refuse de nommer Israël comme agresseur suite à la guerre des Six Jours et de mettre un terme à ses relations diplomatiques avec l’État hébreu.

C’est le coup d’État militaire de 1980 en Turquie qui permet de changer la donne. Et en 1986, un chargé d’affaires turc ayant le rôle d’ambassadeur est nommé à Tel-Aviv. Cette action hautement diplomatique et la fin de la Guerre froide finissent de sceller le rapprochement entre les deux états.

En 1991, et grâce aux accords d’Oslo premiers pas vers la négociation israélo-palestinienne, ce sont les deux pays qui nomment des ambassadeurs respectifs dans leurs capitales. Mais à compter de 2007, on observe une dégradation des relations diplomatiques entre Israël et la Turquie.

Cela s’explique notamment par la présence au pouvoir turc depuis 2002 de l’AKP, dont l’idéologie est islamiste et pro palestinienne. De plus, certains membres de ce parti de la Justice et du Développement sont réputés antisémites. Ce parti est particulièrement lié avec les Frères musulmans et le Hamas.

Entrent également dans la balance le désir du gouvernement turc de devenir une puissance économique important du Moyen-Orient. Afin de s’imposer, les Turcs plaident la cause palestinienne devant les pays arabes, particulièrement sensibles à cette cause.

En 2010, la marine israélienne prend d’assaut un ferry turc officiellement navire d’une flottille humanitaire internationale en partance pour Gaza, mais dont le fondateur est suspecté d’activisme jihadiste. Malgré les avertissements des Israéliens, la flottille n’a pas stoppé ses intentions d’accoster. 

L’assaut aura causé la mort des 10 occupants du navire et fortement dégradé les relations entre les deux pays. La Turquie demande alors des excuses au gouvernement israélien ainsi que de lever le blocus de Gaza. C’est donc à la Cour internationale de justice de statuer sur le sujet.

Suite au rapport du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, l’assaut perpétré par Israël est jugé comme violant les droits de l’Homme et le droit international. Le rapport mentionne ceci « le comportement de l’armée israélienne et autres personnels envers les passagers de la flottille n’était pas seulement disproportionné par rapport à la situation, mais démontrait des niveaux de violence totalement inutiles et incroyables, et un niveau inacceptable de brutalité. Un tel comportement ne peut être ni justifié ni toléré pour des motifs de sécurité ou autres. Il constitue une violation grave des droits de l’homme et du droit humanitaire international ».

À la suite de la pression des États-Unis, le Premier ministre Benyamin Netanyahou accepte de présenter des excuses aux Turcs sur les pertes humaines générées par l’attaque de la flottille et concède des réparations d’ordre financier aux familles des victimes.

La Turquie demande alors la levée du blocus de Gaza dans le but de reprendre les relations bilatérales avec l’État hébreu. Malgré ce geste, le tribunal d’Istanbul condamne les quatre responsables militaires ayant ordonné l’attaque de la flottille et demande leur arrestation par Interpol.

Recep Tayyip Erdogan président actuel de la République de Turquie et Premier ministre à l’époque des faits, va même jusqu’à comparer les agissements de l’armée israélienne dans la bande de Gaza avec la barbarie d’Adolphe Hitler.

Ce qui choquera profondément l’opinion publique. En 2015, une nouvelle flottille tente également de briser le blocus de la Gaza. Il est stoppé, cette fois sans violence ni perte humaine et reconduit au port d’Ashdod.

Ce ne sera que le 16 décembre 2015 qu’un accord entre de possibles reprises des relations diplomatiques entre la Turquie et Israël sera conclu. On évoque la solitude de la Turquie à l’internationale comme motif de son souhait de renouer avec Israël. Il est notifié dans cet accord :

  • Qu’un ambassadeur soit à nouveau nommé dans les deux capitales,
  • Que la Turquie abandonne toute poursuite à l’égard des militaires commanditaires de l’assaut de la flottille
  • Qu’il soit créé un fond crédité de 20 millions de dollars pour le dédommagement des familles des victimes
  • Que l’activiste Saleh Al-Arouri soit expulsé de Turquie suite à l’enlèvement et au meurtre de trois adolescents israéliens perpétré en 2014.
  • La construction d’un pipeline en Israël passant par la Turquie est destinée à une coopération dans le domaine gazier de Léviathan vers l’Europe.

L’accord est signé le 28 juin 2016 et les 20 millions de dollars prévus pour les familles des victimes sont versés dans la foulée. La Turquie s’engage également à empêcher le Hamas de mener des actions contre Israël. Les ambassadeurs sont également nommés dans chaque pays les 15 et 16 novembre 2016.

Le Premier ministre Netanyahou souligne l’importance de la nomination du nouvel ambassadeur et condamne les actes terroristes dont vient de souffrir la Turquie en incitant le gouvernement turc à rompre son silence et à en faire de même avec les attaques terroristes perpétrées en Israël.

Pourtant, Erdogan reste sur ses positions quant à son opinion sur l’État hébreu et l’accuse toujours de barbarie. Il se revendique proche du Hamas qu’il ne définit pas comme terroriste. D’un commun accord, Israël qui a toujours refusé d’admettre le génocide arménien et la Turquie, soutiennent massivement l’Azerbaïdjan au détriment de l’Arménie.

En 2018, alors que les Palestiniens effectuent l’édition annuelle de leur manifestation pour commémorer l’exode de 1948, appelée la marche du retour ils sont attaqués par l’armée israélienne qui souhaite contrer les protestations contre l’inauguration de l’ambassade des États-Unis à Jérusalem.

On dénombre de nombreux morts et blessés à la suite de cet évènement et les échanges entre le président turc et le Premier ministre israélien se durcissent. Le ton monte et les accusations fusent entre les deux dirigeants.

L’ambassadeur israélien en Turquie est alors renvoyé et soumis à des contrôles de sécurité poussés. Ils sont vus comme une humiliation de la part des Israéliens, qui se vengent en agissant de la même manière avec le chargé d’affaires turc à Jérusalem.

Il se passe ainsi deux années sans que les deux pays n’aient d’ambassadeurs. L’élection récente du nouveau président des États-Unis, Joe Biden, pousse Israël et la Turquie à tenter de reprendre leurs relations diplomatiques via des canaux secrets.

Les différents types de collaboration entre les deux pays

Les domaines de collaboration entre Israël et la Turquie sont vastes et diversifiés. Ces liens sont d’autant plus forts qu’ils sont encouragés et soutenus par les Américains. En 1996, les deux états ont signé des accords de coopération militaire et d’échanges technologiques.

La Turquie possède un fort potentiel hydrologique contrairement à la pénurie d’eau qui touche l’état hébreu. En 2002, un accord est établi sur le transfert de la Turquie vers Israël de 50 millions de mètres cubes d’eau sur vingt ans. Ainsi, en 2010 le gouvernement turc envoie deux avions bombardiers d’eau en Israël, malgré les relations diplomatiques alors tendues, pour venir à bout du grand incendie du mont Carmel.

En ce qui concerne le domaine énergétique, le projet commun de pipelines permettra, selon Recep Tayyip Erdogan, de fournir du pétrole et du gaz en Inde. Ils seront implantés dans la mer Caspienne et aboutiront dans le port de Ceyhan en Turquie. D’autres pipelines traverseront Israël jusqu’au port d’Eilat, ce qui permet d’éviter le canal de Suez.

Les accords militaires entre Israël et la Turquie sont assez complexes à définir de par la différence de religion. S’il fut signé entre les deux états un accord de coopération et d’échanges technologique en 1996, il fut rompu en 2010 suite à l’assaut de la flottille.

Israël ne peut donc pas utiliser les espaces aériens et maritimes turcs pour ses déploiements militaires. Cela les a poussés à conclure une alliance avec la Grèce alors que la Turquie est en coalition avec la Syrie.

En ce qui concerne la lutte antiterroriste, Israël avance le fait que ses différents services de renseignements auraient permis de compromettre plusieurs attentats terroristes en Turquie même du temps où les relations diplomatiques entre les deux pays n’étaient pas au beau fixe.

Le rôle de médiateur de la Turquie

C’est la Turquie qui se charge de la médiation des relations entre Israël et la Syrie depuis 2008. Depuis 2000 les rapports entre les deux pays sont très mauvais et la Turquie tentait de relancer des négociations pour tenter de ramener la paix au Proche-Orient. Mais, suite à la guerre civile syrienne, ces pourparlers ont été mis de côté.

En 2015, une réunion entre les gouvernements israéliens et pakistanais s’est déroulée à Istanbul en vue d’instaurer des relations diplomatiques basées sur des intérêts mutuels. Le ministre israélien Silvan Shalom a déclaré souhaiter qu’il en soit de même avec tous les pays arabes. C’est la Turquie qui a permis de rapprocher les deux pays grâce à ses liens avec le Pakistan et Israël.

Le commerce entre Israël et la Turquie

Les échanges commerciaux entre la Turquie et Israël sont devenus plus significatifs depuis les années 1980 en passant de 50 millions de dollars à 1,3 milliard en 2002. L’exportation de produits chimiques d’Israël vers la Turquie représentait 50 % des échanges commerciaux en 2019. Suivi par les plastiques et les carburants, respectivement 12 % et 9 % du commerce.

En ce qui concerne les imports de Turquie, on retrouve le secteur des véhicules avec 18 %, le fer et l’acier avec 16 %, les plastiques (7 %), les machines et le ciment, respectivement 6 % et 5 %. On évalue que la Turquie est le sixième partenaire commercial de l’État d’Israël.