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19 avril 1943. Le soulèvement du ghetto de Varsovie

“Poussés hors de leurs trous”

Insurrection du ghetto de Varsovie. Photo extraite du “Rapport Stroop” que Jürgen Stroop adressa en mai 1943 à Heinrich Himmler.
La légende originale en allemand est “Poussés hors de leurs trous”.

Le soulèvement du ghetto de Varsovie, acte de résistance juive pendant la Shoah le plus connu et le plus commémoré, est une révolte armée, organisée et menée par la population juive du ghetto de Varsovie contre les forces d’occupation allemandes entre le 19 avril et le 16 mai 1943.

Le 22 juillet 1942 débute la Grande Action : les Allemands commencent à déporter les Juifs au camp d’extermination de Treblinka. Début janvier 1943, les autorités allemandes décident d’accélérer la déportation de la population civile du ghetto vers les camps d’extermination afin de le “liquider” définitivement. Dans le cadre de l’Aktion Reinhard, la population du ghetto est en effet déjà passée de 450 000 à environ 70 000 personnes.

Les déportations massives de l’été avaient eu comme conséquence l’apparition d’une résistance juive armée dans le ghetto autour de deux organisations : d’une part l’Organisation juive de combat (Żydowska Organizacja Bojowa, ŻOB) d’inspiration sioniste et bundiste, dirigée par Mordechaj Anielewicz, 23 ans, et Marek Edelman, 24 ans, et d’autre part l’Union militaire juive (Żydowski Związek Wojskowy, ŻZW), organisation sioniste révisionniste du Betar dirigée par Pawel Frenkel et Dawid Moryc Apfelbaum.

Le 18 janvier 1943, ces deux groupes s’opposent par la force à une nouvelle vague de déportation. Après quatre jours de combats de rue, le ghetto est paralysé et les déportations suspendues.

Heinrich Himmler donne donc l’ordre à son représentant en Pologne, le Höhere SS- und Polizeiführer (HSSPf) Friedrich-Wilhelm Krüger, dans une lettre du 16 février 1943, de détruire complètement le ghetto. Il écrit : “Pour des raisons de sécurité, j’ordonne que le Ghetto de Varsovie soit détruit (…), après que tous les éléments de maisons ou les matériaux ayant de la valeur ont été récupérés”.

Le 19 avril, la police allemande et les forces SS entrent dans le ghetto sous le commandement du SS-Oberführer Ferdinand von Sammern-Frankenegg afin de faire reprendre les déportations. Bien qu’équipés de chars, d’artillerie et de lance-flammes, les quelque 2 000 policiers et SS rencontrent une très vive résistance et le plan prévoyant la maîtrise complète du ghetto en trois jours est un échec complet.

Aussi Ferdinand von Sammern-Frankenegg est-il remplacé par Jürgen Stroop, qui met quatre semaines à anéantir le ghetto, en recevant chaque jour ses ordres du HSSPf Friedrich-Wilhelm Krüger et de Himmler en personne. Krüger lui recommande ainsi de faire exploser la synagogue de Varsovie6. Les forces juives polonaises alignent 400 insurgés du ŻZW conduits par Dawid Moryc Apfelbaum et Paweł Frenkel et environ 500 combattants de la ŻOB (Organisation juive de combat) sous les ordres de Mordechaj Anielewicz. La résistance polonaise non juive, c’est-à-dire l’Armée Intérieure polonaise (Armia Krajowa, AK) fournit quelques hommes, mais aussi des armes. Marek Edelman, seul commandant survivant de l’insurrection, donne un nombre de combattants plus restreint : “Je me souviens d’eux tous, des garçons et des filles, 220 au total”, âgés de 13 à 22 ans.

“Le ghetto de Varsovie”. François Szulman. 1962

Marek Edelman a 24 ans lorsqu’il prend le commandement de l’un des trois groupes de combattants, constitué de cinquante insurgés. Après la mort des premiers dirigeants et le suicide de Mordechaj Anielewicz le 8 mai, c’est lui qui dirige l’insurrection. Ayant survécu aux combats, il participe l’année suivante à l’Insurrection de Varsovie.

La nourriture manquait terriblement. Marek Edelman indique : “Nous ne mourions pas de faim. On peut vivre pendant trois semaines simplement avec de l’eau et du sucre”, que lui et ses hommes trouvaient chez ceux qui avaient été déportés.

Durant les combats, environ 7 000 résidents du ghetto ont été tués, 6 000 ont été brûlés vifs ou gazés durant la destruction totale du quartier, les Allemands déportèrent les survivants, afin de les faire mourir, dans les camps d’extermination de Treblinka et Majdanek et dans les camps de concentration de Poniatowa et de Trawniki.

Le 16 mai, le soulèvement est écrasé.

Après la destruction des état-majors de la ŻOB et de la ŻZW et la chute du ghetto, de petits groupes de survivants continuent la lutte armée dans les ruines jusqu’au mois de juin 1943. Certains groupes de combattants parviennent également à sortir du ghetto et continuent la lutte, rejoignant les partisans dans les forêts de la région.

Les conséquences morales et historiques de l’insurrection du ghetto de Varsovie furent importantes. La résistance dépassa les prévisions allemandes, même si l’issue était certaine au vu du déséquilibre des forces. Izrael Chaim Wilner (dont le pseudonyme était Jurek), soldat de la ŻOB, a résumé le sens de ce combat en ces termes : “My nie chcemy ratować życia. Żaden z nas żywy z tego nie wyjdzie. My chcemy ratować ludzką godność” (“Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d’ici. Nous voulons sauver la dignité humaine”). Elle remet aussi en cause le cliché et stéréotype raciste du Juif passif.

En 1970, le chancelier Willy Brandt s’agenouille devant le mémorial du ghetto de Varsovie en Pologne.

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