C’est une affaire qui agite en ce moment la communauté juive française. Un livreur de nationnalité Algérienne résidant illégalement en France est jugé aujourd’hui pour avoir refusé des commandes provenant de deux restaurants cashers au motif : « je ne livre pas les Juifs« .
Les faits
Jeudi 7 janvier 2021, un livreur affilié à la société de livraison à domicile Deliveroo entre, à quelques minutes d’intervalle, dans deux restaurants strasbourgeois pour venir chercher des commandes à livrer. Il demande aux restaurateurs quelle était la spécialité de leur établissement. Apprenant qu’il s’agissait de restaurants cashers servant des spécialités Israéliennes, le livreur a déclaré « je ne livre pas les Juifs« .
Les deux restaurateurs, choqués, ont porté plainte. Ils sont représentés par Me Raphaël Nisand, qui est aussil’avocat du Consistoire israélite du Bas-Rhin, qui s’est également porté partie civile, et du Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA).
Les réactions
Marlène Schiappa, la ministre délégué à la Citoyenneté a réagoit sur Tweeter qualifiant l’attitude du livreur « d’inadmissible nouvelle manifestation d’antisémitisme« . Elle a convoqué la directrice de Deliveroo France, afin de « démontrer une volonté politique forte pour ne rien laisser passer face à l’antisémitisme et leur demander des comptes sur les faits inacceptables qui ont été rapportés ».
L’entreprise de livraison de plats à emporter avait, quant à elle, déclaré prendre « cet incident très au sérieux« , condamner « avec fermeté tout propos antisémites » et mener sa « propre enquête interne pour tirer au clair les circonstances« .
Nicolas Cadière, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, a qualifié sur Twitter les propos du livreurs de « refus de service sur motif discriminatoire. Et, en l’espèce, antisémitisme ».
L’ambassadeur d’Israël en France, Daniel Saada, a dénoncé une « manifestation de haine ». Il a martelé devant la presse que l’on ne peut pas prétendre que l’antisémisme et l’antisionisme sont deux choses différentes. En effet, cet affaire intervient quelques semaines seulement après le déferlement de haine qui s’était abbatu sur April Benyaoum quant elle a révelé que son père était d’origine israélienne.
L’ambassadeur a donc fait le déplacement mercredi jusqu’à Strasbourg pour rencontrer les deux restaurateurs, qui ont salué cette initiative.
Un suspect de nationalité algérienne jugé aujourd'hui
A la suite des plaintes déposées par les restaurateurs et le Consistoire Israélite du Bas-Rhin, le parquet de Strasbourg avait ouvert une enquête pour « discrimination en raison de l’origine dans le cadre de la fourniture d’un service ».
Mercredi, les enquêteurs ont arrêté Dhia Eddine D., un ressortissant algérien en situation irrégulière en France. Il a été placé en garde à vue et déférré aujourd’hui (jeudi) à 14 heures devant le Tribunal correctionnel de Strasbourg.
Il comparaît en compagnie d’un autre individu, titulaire officiel du compte Deliveroo. Cette pratique prohibée mais courante explique pourquoi il a été compliqué de retrouver le livreur.
Coup de projecteur sur les trafics de comptes Deliveroo
Comment un sans papier a pu travailler comme livreur pour Deliveroo ?
Cette affaire met en lumière une pratique complétement illégale mais extrêment répandue dans le monde de la livraison de plats à emporter : la location de compte. Les livreurs de Deliveroo ne sont pas employés par la plateforme, ils ont le statut d’indépendant et acceptent des courses sur l’application. Il sont ensuite rémunérés à la commission.
En théorie, un sans-papier, qui par définition ne possède pas de pièce d’identité permettant de créer une entreprise en France, ne peut pas créer de compte sur Deliveroo. La parade à ces gardes-fous mis en place par la plateforme a vite été trouvée : des individus en situation régulière louent leur compte Deliveroo à des sans-papiers. Cette pratique est bien sûr interdite par les conditions d’utilisation de la plateforme, mais dans les faits, les contrôles sont quasiment inexistants.