Michel Gad Wolkowicz :« Gaza n’est pas un symbole, mais un fétiche clivé du réel »

ENTRETIEN
Le professeur Michel Gad Wolkowicz, président de l’Association internationale inter-universitaire Schibboleth – Actualité de Freud, analyse d’un point de vue psychanalytique ce dont Gaza est désormais devenu le nom.

Comment Gaza est-il devenu le point de ralliement que l’on connaît aujourd’hui ?
Michel Gad Wolkowicz : L’expression « point de ralliement » a bien son importance. Gaza n’est pas un symbole, car un symbole garde la possibilité d’ouverture à un champ indéfini de la pensée. Mais avec Gaza, nous sommes dans le fétiche. Dans quelque chose clivé du réel, de l’histoire, de la subjectivité et de la pensée. Dans le monde arabo-musulman, Gaza et la cause palestinienne représentent ce qui relie les foules et les États arabes entre eux. La cause palestinienne étant l’objet de réparation de toutes les humiliations et de tous les échecs vécus, l’idée est, finalement, qu’Israël ne doit pas exister.
Dans le monde occidental et en Europe en particulier, la chose s’avère plus énigmatique et inquiétante car il s’agit d’un monde qui connaît un annihilement de sa culture ainsi qu’un déni de ses origines et de ses fondements. Il y a en effet un annihilement d’un sentiment d’appartenance à une histoire commune. Depuis la Shoah, on est entré dans une période de déconstructivisme, de relativisme, ayant remis en question la notion d’identité et d’origine, pour évoluer vers un fétichisme de l’identité totalitaire, comme on le voit avec le wokisme. Dans cette quête identitaire très fragile, il y a un besoin de reconstituer ce sentiment d’appartenir à quelque chose. Ainsi, le palestinisme est devenu la seule religion (d’illusion) universaliste. Les autres religions, comme les autres idéologies, ne sont plus attractives. On voit ainsi des alliances a priori contre nature se constituer. La clinique individuelle étaye la clinique des peuples et ainsi observe-t-on des homosexuels, des transgenres défiler avec le Hamas, tout en sachant les risques qu’ils encourent. C’est dire la béance du sentiment d’identité.

Que représente Gaza aux yeux de tous ceux qui prétendent la défendre ?

M.G.W. : À partir de leur sentiment de faille, les gens peuvent récupérer une identification narcissique à coup sûr puisqu’ils vont s’identifier au[ deux valences, aux deux émotions narcissisantes. La première est la valence victimaire à s’identifier aux victimes absolues, c’est être sûr d’intégrer une composante narcissique qui va remplir les failles identitaires dont on souffrirait. La seconde est la valence héroïque et de résistance magnifique coup double fait que tous les jeunes vont vouloir s’identifier aux Palestiniens, en incorporant une identité victimaire et héroïque à la fois.

Comment expliquer l’expression antisémite inhérente à cette identification ?
M.G.W. : Le point de rencontre entre ces deux postures, la posture arabo-musulmane et la posture européenne, constitue ce que j’appelle la théorie de la substitution. Dans les pays arabes comme en Europe, jusqu’à la création d’Israël, les psychés collectives demandaient aux Juifs d’être des dhimmis, plus ou moins tolérés, selon les époques et les lieux. Le Juif pouvait exister tant qu’il était dans un refuge ou entre parenthéses . Mais dés lors qu’il fait preuve d’autonomie, de souveraineté de pensée ou d’action, il devient immédiatement condamné. Il est, à ce titre, intéressant d’observer la réactivation des vieilles accusations antisémites, telle celle du meurtre rituel des enfants. Accusation reprise jusque dans le récent jugement rendu par la Cour pénale internationale qui accuse Israël de « tuer volontairement des enfants » à Gaza. ■
Propos recueillis par
Laetitia Enriquez

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