Il est des livres, rares, qui sont un don. Une offrande à jamais. “Quand je serai enfant”, de Daniella Pinkstein, est de cette race. Une déclaration à Janusz Korczak, des mots d’amour à l’enfant, tout cela présenté dans un livre-objet, qui d’emblée nous est intime par son format, la photo en Une, la couleur, la calligraphie enfin, comme inventée. Avec, en exergue, les mots de Janusz Korczak extraits de “Comment aimer un enfant”.
“Ce conte est entièrement dédié à Janusz Korczak”, écrit l’auteur, “à son génie, qui avait compris de façon révolutionnaire le caractère unique de l’enfant” : pour qui pratique Daniella Pinkstein et sait la sobriété et l’absence d’emphase de son écriture, ces termes disent la valeur de l’hommage. “Quand je serai enfant” rend hommage à l’auteur de “Quand je serai petit” et à ses prouesses d’appréhension de la psyché enfantine auquel il répond comme en écho, “chaque petit pas vers l’enfant étant, poursuit Daniella Pinkstein, un grand pas vers l’humanité”.
Que vienne le jour où l’enfant, par sa poésie et sa lumière, rendra à “l’adulte devenu partiellement aveugle la vue” : tel est le vœu de l’auteur de ce conte-fable en mémoire du fondateur de “La République des enfants”, orphelinat établi sur la base d’une véritable démocratie de droit, avec un Parlement des enfants, Mais qui se veut tout autant un échange heureux et juste entre le monde de l’adulte et celui de l’enfant, “un dialogue, quand l’un se tient face à l’autre, à même hauteur de coeur”, qui jamais ne cesserait.
“Où que l’on soit, […] , il y a toujours un endroit silencieux d’où l’on peut s’élever avec, à chaque pied, des ballons gonflés d’étoiles et de souffles grandioses. Un endroit stable et paisible fait de rêves à la lisière des nuages. Car, pas un objet, pas un être, pas un soupir qui, à chaque mouvement de l’air, ne danse avec son double. Ils valsent, solitaires, nous traversant sans nous voir, l’un dans l’éclat de l’autre. Quelques chanceux parviennent à les distinguer : des enfants !”
Alors que la poésie des mots saisit le lecteur, irrépressiblement saisi du désir de rejoindre “l’endroit” , “Quand je serai enfant” entre en scène en conte autonome insufflé par Janusz Korczak. Conte juif moderne où se cotoieront Gigi, 6 ans, Edmond, son mari orang-outan mais néanmoins “être délicat, recherché par toutes les polices, le éf-bi-Ih en tête”, conviés par les pigeons Saipalire et son épouse Beldosh’, via “un carton recouvert de taches de chocolat”, à une sauterie où “les couverts auront été mis dans les grands”, graines et coupelles d’eau dispensées à profusion et “avec arrogance: un sans faute” auxquels ils se rendent, de “nœud pap et chaussures d’argent” vêtus.
Mais au milieu du festin, arrivent, comme “tombés du plafond”, les parents de Gigi, … “de vieux schnoques”, une mère qui lit des livres sans images, un père qui ronfle devant la télé : “À quoi sert de lire si on ne se parle plus”, se demande Gigi-Daniella, qui s’en fiche un peu, riche de “ces amis qui les font voler jusques au seuil du monde…”
Allez donc lire pour voir comment, un matin, “une boite à chaussures pleura” et comment apparurent à Gigi et Edmond … des frères et des sœurs, donnant vie à “une famille photocopie couleur du bonheur”, et comment on apprend que “si le monde est constitué de deux sphères séparées, Qui le traverse traverse l’univers”.
Bien sûr que ce conte, ce poème fait de références à Korczac et au Traité Haguiga, était fait pour devenir spectacle mis en musique et offert à l’enfant que nous étions, à celui que les plus veinards sont encore aujourd’hui, et à celui que nous amenons à L’ECUJE, lui révélant “les portes de la liberté menant à la forêt ailée”.
Edité par Biblieurope
Design de Georges Baur
Photos de Léa, Guémara, Dahlia, Daniella
Photo de couverture de Ramon Masats : “A quiet place for reading. Girl at the San Antonio Market. Barcelona, Spain. 1955”.
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