Bienvenue dans l’ère des missiles hypersoniques, des armes “inarrêtables”.
Outre la France (projet V-max, un planeur hypersonique capable d’atteindre des vitesses de 6.000 à 7.000 kilomètres par heure, autrement dit, parcourir la distance entre Dunkerque et Nice en 12 minutes), trois puissances développent des armes hypersoniques : la Russie, la Chine et les États-Unis. En Israël, c’est un sujet de « Secret Défense ».
Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie a tiré plusieurs missiles hypersoniques. Une première en temps de guerre. Considérée comme “invincible”, en raison notamment de trajectoires de vol imprévisibles, cette nouvelle génération donne lieu à des investissements astronomiques de la part des superpuissances.
Ces missiles “invincibles” n’en sont plus à leur stade expérimental. Ils ont été utilisés à trois reprises en Ukraine : le 19 mars pour détruire un dépôt souterrain de missiles à Deliatyne, le lendemain contre un dépôt de carburant de l’armée ukrainienne dans la région de Mikolaïv, et le 11 avril contre une base de commandement ukrainienne dans le Donbass. Selon les forces ukrainiennes, un quatrième tir a eu lieu le 7 août contre une cible militaire près de Vinnytsia. The Daily Telegraph évoque même des tirs sur le port d’Odessa en mai. Quel que soit leur nombre, “c’est la première fois qu’un État revendique l’utilisation d’armes hypersoniques en temps de guerre”.
L’été dernier, la Chine a tiré un missile hypersonique qui a fait le tour de la Terre. Cet essai a pris tout le monde par surprise, y compris l’état-major américain. Voilà des années que de nombreux pays investissent des milliards dans la mise au point de ce type de missiles. Mais, écrit The Daily Telegraph, alors que la guerre fait rage en Ukraine et que Taïwan est au cœur d’une crise sans précédent, la planète “s’apprête à faire son entrée dans l’ère des missiles hypersoniques”. Si plusieurs pays, dont l’Inde, l’Australie, le Japon, la France et la Corée du Nord, investissent dans cette technologie, relève la chaîne de télévision australienne ABC sur son site, “la course aux engins hypersoniques se joue principalement entre les trois superpuissances militaires : la Russie, la Chine, et les États-Unis”.
Les États-Unis distancés
Or, ajoute-t-il aussitôt, dans cette course aux missiles hypersoniques, “les États-Unis semblent s’être laissés distancer, pour la première fois depuis plusieurs dizaines d’années”. En octobre dernier, CNN faisait ainsi état d’un lancement raté quelques jours après l’annonce du tir chinois. Le 19 juillet, le Washington Post annonçait cependant que “Washington, qui a bien du mal à tenir le rythme de ses adversaires, a effectué, avec succès, un tir d’essai de missile hypersonique”.
Le terme d’“hypersonique” s’applique à tout engin, en l’occurrence un missile, se déplaçant à au moins cinq fois la vitesse du son, soit 5 600 km/h. La technologie a été mise au point dans les années 1950 et “les missiles balistiques intercontinentaux, capables d’atteindre 24 000 km/h, ont intégré les arsenaux militaires il y a de cela plusieurs dizaines d’années”, rappelle Iain Boyd, ingénieur en aérospatiale et professeur à l’université du Colorado. Mais, explique-t-il à ABC, “ce n’est pas seulement la vitesse de ces nouveaux missiles qui les rend si dangereux”.
Ce qui fait de cette nouvelle génération des armes si redoutables, c’est leur “trajectoire de vol imprévisible, qui les rend difficiles à localiser”, note le Daily Telegraph. “Comme ces nouveaux engins, dits ‘manœuvrables’, peuvent aisément virer de bord et prendre ou perdre de l’altitude, il est beaucoup plus difficile d’anticiper leurs mouvements”, précise Iain Boyd. “Rapides, efficaces, précis et inarrêtables”, écrivait dès 2019 le New York Times Magazine. Selon le magazine américain, leurs trajectoires leur permettraient de s’approcher de leurs cibles “à environ 20 à 80 kilomètres au-dessus de la surface de la Terre”, ce qui est trop bas pour les systèmes d’interception de missiles balistiques et trop haut pour les boucliers antimissiles plus simples, comme le système Patriot américain.
Logiquement, les états-majors s’échinent donc à mettre au point des systèmes qui permettraient de les neutraliser. Le britannique “QinetiQ travaille sur une arme laser, le Dragonfire, qui permettrait d’abattre ces missiles”, indique le Daily Telegraph qui s’est entretenu avec Simon Prince, chercheur en aérodynamique à l’université de Cranfield et spécialiste des vitesses hypersoniques :
“Plus les vitesses augmentent, plus il faut réagir vite. Il serait donc très intéressant de pouvoir appuyer sur un bouton pour déclencher un faisceau laser plutôt que d’avoir à lancer un engin qui prend souvent plusieurs secondes pour atteindre sa cible.”
Étant donné l’avance prise par la Chine et la Russie, note pour sa part le Washington Post, le Pentagone a “négocié un budget de 1,3 milliard de dollars pour le développement de systèmes de défense capable de contrer ces engins”. Une partie de cette somme servira à financer 28 satellites affectés à cette mission. “Ces satellites sont spécialement conçus pour combattre ces nouvelles formes de menace”, souligne Derek Tournear, directeur de l’Agence du développement de la défense spatiale. Avec cette armée de “satellites équipés de détecteurs thermiques” mis en orbite à différentes altitudes, les États-Unis espèrent voir quand et comment les missiles changent de direction. Leur lancement est annoncé pour 2025. Et déjà, rapporte le Washington Post, dans les couloirs du Pentagone on envisage de passer commande de 54 satellites supplémentaires ». (Sources et copyrights. Courrier international)