Israël est le champion du monde de la vaccination, mais aussi des élections. Il connaît ses quatrièmes législatives en moins de deux ans. Si en France un report des régionales de juin est envisagé, les autorités israéliennes ont, elles, mis les bouchées doubles pour respecter la date du 23 mars. Les conditions sanitaires de la tenue du scrutin – duquel le parti Likoud du premier ministre, Benyamin Netanyahou, serait sorti vainqueur, sans garantie toutefois d‘obtenir une majorité pour former un gouvernement, selon des sondages de sortie des urnes – ont été définies en janvier et février quand l’épidémie de Covid-19 était à son apogée. Tout a été mis en œuvre pour permettre à l’ensemble du corps électoral de voter. Même sa partie en souffrance: les malades du Covid.
À l’hôpital Hadassah de Jérusalem, le centre médical national qui a accueilli le plus grand nombre de patients atteints du virus depuis un an, la commission des élections veille au bon déroulement de la consultation. Quatre de ses membres dont Hadar ElBoim, la présidente d’un bureau un peu spécial, sont réunis au 6e étage de l’établissement hospitalier dans la salle de surveillance vidéo. Ils ont les yeux rivés sur des écrans de contrôle. Le cinquième assesseur est au même étage, dans l’une des chambres du département corona. Il porte une tenue de «cosmonaute». Un agent de sécurité l’assiste. Les patients sont pour certains capables de se lever, d’autres sont cloués dans leur lit sous assistance respiratoire partielle. Une malade, une femme orthodoxe portant une perruque, présente sa carte d’identité. Placé sous la caméra par l’assesseur, le document est validé par la commission depuis la salle de surveillance. Le nom et le numéro de la carte électorale sont notés au stylo dans le registre électoral. L’électrice glisse son bulletin dans une double enveloppe puis le dépose dans l’urne bleue. A voté!
L’urne est rapprochée de ceux qui ne sont pas en mesure de quitter leur lit. Les différents écrans laissent découvrir des jeunes, dont une fillette, atteints de formes graves du Covid. Cinquante-trois personnes sont hospitalisées à trois étages différents. Cinquante-quatre à en juger par l’entrée sur un brancard d’un nouveau cas. «Des opérations identiques se déroulent secteur par secteur. Les quinze malades de l’unité de réanimation ont la possibilité de voter. Je parle bien sûr de ceux qui ne sont pas en coma artificiel», explique Neria Peled, la porte-parole de l’hôpital Hadassah. Pendant le scrutin, les soins intensifs continuent dans l’unité dédiée. La porte s’ouvre pour le passage d’un patient allongé souffrant de lourdes pathologies.
Bureaux de vote en plein air
Exceptionnellement, les malades du Covid placés à l’isolement à leur domicile ont une permission de sortie pour accomplir leur devoir électoral. Ils se sont inscrits sur le site du ministère de la Santé. Des taxis rémunérés par l’État viennent les chercher à leur domicile. Direction le drive-in d’un jour sur le parking du Teddy Stadium, le grand stade de football de Jérusalem. Les électeurs n’ont qu’à baisser la vitre arrière du véhicule pour récupérer des bulletins d’un stand de distribution mobile, puis en déposer un dans l’urne à roulettes.
Les organisateurs ont vu grand. Cinq bureaux en plein air sont ouverts, mais les votants ne se bousculent pas au portillon. «Nous avons eu une quinzaine de visiteurs dans la matinée, précise le responsable du drive-in. Le dispositif a été imaginé au pic de l’épidémie. Il mobilise soixante-dix personnes sans compter les chauffeurs. Évidemment cela coûte cher. Il y a deux drive-in supplémentaires à Jérusalem, l’un pour les cas contacts et l’autre pour les personnes en quarantaine revenant de l’étranger.» Au total, quelque 750 urnes isolées quadrillent le territoire pour environ 40.000 citoyens à l’isolement. Lors de la planification le double de cas de quarantaine était prévu. L’épidémie connaît depuis un mois une décrue spectaculaire alors que plus de la moitié de la population est immunisée.