«Béni soit Dieu, ces résultats sont le fruit d’une concertation entre tous ceux qui décident de mettre la Torah en premier», a déclaré Bezalel Smotrich, numéro un du parti, aux côtés de deux autres formations politiques qui forment la coalition : les suprémacistes d’Otzma Yehudit représentés par Itamar Ben Gvir, et le parti ouvertement homophobe d’Avi Maoz, Noam, dont l’entrée à la Knesset est inédite. «C’est un vrai succès pour eux, s’exclame le docteur Assaf Shapira, directeur du programme des réformes politiques de l’Israel Democracy Institute. Ils ne devaient obtenir que 4 sièges.»
Pour les quatrièmes élections législatives en deux ans, le Premier ministre sortant, Benyamin Nétanyahou, visé par plusieurs procès pour corruption et qui joue sa survie politique, a tout fait pour encourager leur présence à la Knesset. Il a poussé les petites structures d’extrême droite à s’allier à Itamar Ben Gvir, afin qu’ils puissent atteindre ensemble le seuil des 3,25 %. Peu importe s’il s’agit d’une coalition ultraconservatrice et ultrareligieuse.
Figures extrémistes et incitation à la haine
Itamar Ben Gvir se prépare ainsi à siéger au Parlement, trente ans après son tuteur idéologique, le rabbin Meir Kahane, dont le parti Kach est interdit à la Knesset. Avocat controversé, ses principaux faits d’armes résident dans la défense de figures extrémistes, à l’instar de Benzi Gopstein, condamné pour incitation au racisme et à la haine, et président de l’organisation d’extrême droite Lehava, qui s’oppose aux mariages mixtes entre Juifs et non-Juifs et demande régulièrement que des mesures soient prises contre les Goys pour «sauver les filles d’Israël».
Quant à Avi Maoz, son parti a fait irruption dans la scène politique en 2019, menant une campagne agressive contre les communautés LGBTQI +, accusées «d’imposer leur agenda» au reste de la société israélienne et de détruire «la famille normale». Dans l’un des spots de campagne de 2019, les Juifs réformés et laïcs, les militants de gauche sont comparés aux Nazis et aux terroristes. Cette structure politique, qui s’était retirée de la campagne de 2020 in extremis, a été créée en 2019 par des disciples du rabbin Tzvi Tau, le fondateur de la Yechiva Har Hamor, colonie hiérosolymitaine construite au-delà de la ligne verte. «L’homosexualité est la déviance la plus laide, qui brise la vie familiale et contredit la première base de l’existence humaine», écrivait-il en 2017.
Soutien des haredim et droitisation
Fort de son nouveau succès électoral, le parti Sionisme religieux a bénéficié d’un soutien inattendu, celui des communautés haredim, les «craignant-Dieu»ultraorthodoxes. «Traditionnellement, les haredim votent pour les partis religieux, c’est-à-dire le Shas et la Yahadut Hatorah. Mais la pandémie de Covid-19 a accru la défiance à l’égard des rabbins», analyse le docteur Assaf Shapira, qui précise que cette frange de la population se «droitise» considérablement. «Ils se montraient plutôt modérés, auparavant.» Surtout, la campagne s’est polarisée autour de la crise sanitaire et de ses conséquences économiques, délaissant de nombreux sujets de sécurité. Le parti de Naftali Bennett, Nouvelle droite, crédité de 7 ou 8 sièges et promu faiseur de roi, a également pris un tournant plus centriste. «La faction ultranationaliste a pu s’engouffrer dans ce vacuum, dans cette brèche.»
En deux ans, les Israéliens se sont rendus quatre fois aux urnes. Les élections de mardi devraient déboucher sur une future Knesset particulièrement fragmentée : 13 partis y seraient représentés. «Le mouvement que l’on observe pour les partis d’extrême droite est assez similaire aux partis de gauche : Meretz, Avoda et Kahol Lavan ont remporté davantage de sièges que prévu», résume Assaf Shapira. Le taux de participation a baissé, à 67,2 %, contre 70 % au scrutin précédent.